Maison de l’Aigle
Plestin-les-Grèves
Construite en 1928 pour l’ingénieur Raoul Vendôme, un personnage un peu perché, et d’après les plans de son commanditaire, séduit par les parfums épicés moyen-orientaux, les mosaïques or, turquoise et ocre et les tapis volants d’Ispahan, la Maison l’Aigle vit le jour.
Né en 1871, Raoul Vendôme passa sa vie à œuvrer passionnément pour le progrès, dévoré par cette soif de découvertes inextinguible de cette époque, entre le XIXème siècle finissant et le XXème balbutiant. Après des études scientifiques et se destinant à la fantasque profession d’ingénieur, il se lança dans deux aventures industrielles futuristes, celles de l’automobile et de l’aviation. Fréquentant les salons aéronautiques avec passion, côtoyant Blériot et Santos-Dumont, il participa donc à la conquête du ciel d’abord poétique puis très vite militaire, apportant son obole à cette entreprise extravagante : exaucer le mythique rêve d’Icare.
Embarqué en tant qu’officier sur le torpilleur Cosmao à la fin du XIXème siècle, il courut le vaste monde et s’émerveilla en Méditerranée découvrant les paysages, l’architecture et la palette polychrome du Levant. Cette esthétique moyen-orientale si éloignée des canons européens restera gravée dans sa jeune mémoire, germera lentement puis fleurira, bien plus tard, à Saint-Michel-en-Grève.
En 1928, Raoul offre alors à son épouse la plus étrange des maisons, née de ses multiples émois artistiques et de sa soif de nouveautés : un étrange parallélépipède rectangle de béton armé sort alors de la terre sableuse au bord de la longue plage blonde sous le regard éberlué des habitants de cette côte de granite rose festonnée de villas Art Nouveau. L’étonnement est considérable et la maison inclassable qui fascine et dérange encore aujourd’hui, près d’un siècle après l’apparition de cet OVNI architectural : on y lit les voyages en moyen orient de Raoul car la maisonnette –qui ne comprend que quatre pièces- semble arrachée au sable rouge du désert ou à quelque médina rêvée. Elle s’étoffe sur la gauche d’un genre de minaret faisant office de belvédère alors que sa façade s’orne de mosaïques turquoise, ocre et or et de moucharabiehs de fer forgé. Son toit plat –inattendu en terre celte- ceint d’une balustrade de pilastres classiques offre une terrasse ouverte sur la vaste baie.
Pour accueillir le visiteur dans cette maison improbable posée au bord de la longue plage ouverte sur la Manche, Raoul Vendôme fait incruster d’algues et de coquillages la petite passerelle en béton qui mène de la route à la porte d’entrée Art Nouveau. Au sommet de cet édifice légèrement dissymétrique, un aigle en fonte originellement couleur or surveille la route, la baie et le monde, ailes déployées, tête tournée vers l’est, les serres puissantes plantées sur un globe. Aucune référence nazie bien entendu dans cette ultime incongruité -car gardons en mémoire que la maison fut érigée dans les années trente- mais un souvenir plein de nostalgie de la conquête du ciel. A l’issue de l’Exposition Coloniale de 1931, Raoul Vendôme fera l’acquisition de cet aigle qui y avait été exposé et sceller au-dessus de sa villa en 1932, donnant ainsi une touche finale étrange à l’étonnant édifice.